Il y a des matins comme ça où des infos ont le don de vous énerver. Journal de 8 h sur RTL, hier : “rappelons que le smartphone au volant est à l’origine d’un accident sur dix”, assène le présentateur…. S’en suivait un papier de mon copain Christophe Bourroux qui évoquait une étude de la Prévention Routière, pointant des comportements déviants. Lequel Christophe sait très bien que ce chiffre d’un accident sur dix est totalement bidonné et a regretté d’ailleurs qu’il ait été une fois plus annoncé à l’antenne. Et dans la presse du jour, de ce mardi 30 mai, Le Parisien annonçait de nouvelles sanctions à l’étude contre le téléphone au volant. Dénoncer, sanctionner… A croire qu’en France, on ne sait pas voir quand des solutions existent.
Si l’on reprend les choses dans l’ordre, l’information est donc que la PR a fait état d’agissements préoccupants. Se basant sur 20 000 observations*, il apparaît que 4 conducteurs sur 10 utilisent leur téléphone au volant en le tenant en main pour leur conversation (contre 10 % d’usage du kit mains libres**) et que près d’un tiers pianote sur l’écran pour des SMS ou des e-mails. Par ailleurs, l’association a constaté que certains conducteurs effectuaient différentes utilisations simultanément. “Autrement dit, près de 9 conducteurs sur 10 utilisent leur smartphone au volant comme ils l’utilisent dans la vie courante”, écrit l’association.
Si l’on poursuit la lecture, on constate que la Prévention Routière souhaite plus de pédagogie, et non des sanctions. Elle réclame par exemple un module sur les risques de distraction liés au téléphone au volant au permis de conduire. Bonne idée, en effet. On peut lire aussi que la PR veut “imposer le droit à la déconnexion pour les salariés dans le cadre de leurs trajets professionnels”. Ce serait aller plus loin que la loi El Khomri qui évoque déjà ce droit. Et puis, une autre demande est de “généraliser au sein des véhicules les applications paramétrables et automatiques permettant le blocage des distracteurs au volant” (hors GPS, kit mains libres…). Précisons juste qu’il existe depuis maintenant 3 ans le système CarPlay proposé par Apple, qui a été rejoint dans la foulée par Android Auto. Ces deux interfaces de réplication neutralisent en effet certaines applications et ne donnent accès qu’aux fonctions compatibles avec la conduite, avec en prime un contrôle par reconnaissance vocale. Et les constructeurs sont en train de les généraliser sur leurs modèles.
Bizarrement, personne ne parle jamais de ces systèmes chez les fameux experts de sécurité routière. Est-ce parce qu’ils roulent en Fuego ? Ou qu’ils n’ont pas de voiture ? Ce qui est un peu triste, c’est de voir que les kits mains-libres sont sous-utilisés, alors que la technologie Bluetooth est généralisée depuis 15 ans et que des systèmes de base sont en vente à partir de… 10 euros.
La France paie une lourde erreur : celle de ne pas avoir voulu admettre qu’il ne serait pas possible d’empêcher le téléphone au volant. Il aurait fallu dès le début, faire savoir qu’il existe des technologies pour utiliser de façon plus raisonnable le mobile en voiture. C’est de la pédagogie qu’il faut mettre en avant. Et pour ceux qui n’auraient pas réalisé, il serait grand temps de se dire qu’on est au XXIème siècle et que le véhicule connecté est lui tout aussi inéluctable.
Sinon, contrairement à une idée reçue, il n’existe aucune statistique crédible qui fasse un lien clair et objectif entre l’usage du mobile et les accidents en France. A ce jour, c’est supputations, préjugés et beaucoup de mauvaise foi.
*Une valeur plus élevée que les habituels sondages à la con, qui se basent en général sur un échantillon de 1000 personnes. Mais, on ne peut pas pour autant faire un lien entre ce chiffre et la courbe des accidents.
**Chiffre que je ne comprends pas trop, mais cela veut peut-être dire que les conducteurs utilisent des oreillettes (pourtant interdites) ou mettent leur haut-parleur.
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